Ici archive

Les approches de Design Thinking et d’User Experience (UX) Design se propagent dans toutes les organisations et entreprises.

Si la promesse des approches centrées sur les utilisateurs est, de prime abord, plutôt simple : mieux comprendre les besoins des utilisateurs finaux, quels qu’ils soient, pour y apporter des solutions adaptées, force est de constater que les périmètres de l’une ou l’autre approche demeurent complexes à cartographier et donc, parfois, à comprendre.

Les notions de Design Thinking et d’UX sont assimilées étroitement au design dans un sens esthétique, ou bien sous l’angle seul de l’animation d’ateliers avec des posts-it. De plus trop souvent, nous avons entendu, dans des contextes divers, opposer l’un à l’autre, ou diminuer l’un en faveur de l’autre. Or, Design Thinking et UX sont intrinsèquement liés, c’est pourquoi cet article a pour objectif de prendre un peu de recul et nous interroger sur la manière dont nous mettons en œuvre ces approches au quotidien, pour mettre en évidence leur complémentarité et possibles recouvrements.

Pour bien comprendre ce que sont les disciplines que sont l’UX et le Design Thinking, intéressons-nous à l’émergence de la notion de design.

“Design is not just what it looks like and feels like. Design is how it works.”

Steve Jobs, New York Times, 2003

Le sens originel du mot design, designare en latin, est étroitement lié à l’idée d’un dessin qui dessert un dessein. Le design est un processus de conception qui a pour objectif de répondre aux besoins des utilisateurs. Il invente, améliore et facilite l’utilisation d’un produit ou service tout en offrant l’expérience la plus pertinente et la plus agréable possible. Avec l’essor des ordinateurs, smartphones ou encore objets connectés, il a été nécessaire de penser les interactions spécifiques entre l’humain et la machine, dans leur diversité et complexité grandissante.

C’est à Donald Norman, psychologue cognitif et employé d’Apple dans les années 1990 que l’on doit le terme de “User Experience” (UX, ou “expérience utilisateur” en français). Ce concept qualifie tous les aspects de l’interaction de l’utilisateur final avec une organisation, ses services et ses produits (définition de Nielsen Norman Group). C’est aussi à cette époque que se démocratise le terme de Design Thinking, popularisé et propagé par IDEO. De fait, ces termes sont proches et recouvrent une même réalité sous-jacente : le besoin de penser et d’approcher les problèmes différemment, pour y apporter de meilleures solutions.

#1 UX Design, Design Thinking, du pareil au même ?

L’UX Design

Étant donné les définitions parfois variables de l’UX, commençons par énoncer ce que cela n’est pas : la réalisation de maquettes graphiques, la conception d’une architecture d’information, la création d’interactions, un outil marketing… Cependant, l’UX Design pioche dans toutes ces disciplines et activités pour concevoir une expérience utilisateur, de bout-en-bout, dans tous ses aspects.

Axé sur l’interaction entre les utilisateurs humains, les machines et les environnements contextuels, l’UX Design englobe la conception traditionnelle de l’interaction homme-machine (IHM) et la complète en abordant tous les aspects d’un produit ou d’un service tels qu’ils sont perçus par les utilisateurs. Cela implique non seulement la production de l’architecture d’information et de prototypes, des recommandations sur les interactions et interfaces mais aussi des aspects de la stratégie des marques, du design d’espaces…

L’objectif consiste à améliorer la satisfaction des utilisateurs à l’égard d’un produit en facilitant la convivialité, l’accessibilité et le plaisir procurés par l’interaction avec le produit ou service.

Le Design Thinking

Et le Design Thinking dans tout cela ? Le Design Thinking est une approche structurée qui place l’utilisateur, quel qu’il soit, au centre d’une démarche de conception pour générer des solutions innovantes, partant de la désirabilité (pour les utilisateurs, donc), abordant la faisabilité (technique, opérationnelle…) et la viabilité (économique, financière, environnementale…).

Loin d’être des frères ennemis, le Design Thinking structure une partie des outils et activités de l’UX design pour propager ce changement de paradigme au cœur des organisations et accélérer les phases préliminaires du processus de conception. De la même manière, le Design Thinking apporte une approche structurée aux activités d’UX Design pour parvenir à la conception d’une expérience utilisateur innovante et co-construite avec les utilisateurs finaux.

#2 Comment l’UX Designer et l’expert Design Thinking peuvent travailler ensemble ? 

Deux profils complémentaires

Face à l’importance de penser systématiquement l’expérience utilisateur, les organisations font appel à des profils spécialistes comme les UX designers et les consultants experts en Design Thinking. Pour certains UX designers, le Design Thinking est un effet de mode nocif à la compréhension et la valorisation de leur métier.

Mais la popularisation du Design Thinking dans les organisations, loin de porter préjudice aux UX designers, leur offre un nouvel allié dans l’acculturation progressive vers la systématisation d’aborder l’innovation comme la résolution de problèmes en étant centrés sur les utilisateurs. L’expert Design Thinking aide à structurer les activités, à animer les ateliers, à co-construire. Il apporte un point de vue qui dialogue plus facilement avec le reste de l’organisation sur les notions de viabilité et faisabilité.

L’UX designer, quant à lui, ne peut être remplacé, car c’est bien lui qui réalise l’expérience future et travaille de pair avec les développeurs ou ingénieurs en charge de faire exister les éléments de l’expérience. En dialoguant ensemble de manière continue sur un projet, et cela dès le début, les deux experts se répondent et s’enrichissent en permanence, tout en se faisant ambassadeurs du changement de paradigme.

Des synergies à tous les moments d’un projet de transformation digitale

Si l’on se replace dans une perspective de transformation digitale et des différents projets que cela implique, alors les synergies entre l’UX designer et l’expert Design Thinking apparaissent comme essentielles. Les produits et les utilisateurs diffèrent d’un projet à l’autre, ce qui oblige à adapter constamment l’approche globale de conception aux besoins réels. Le Design Thinking est alors une approche essentielle à la disposition de l’UX Designer qui doit intégrer une démarche continue d’apprentissage et d’évolution.

Le Consultant Expert Design Thinking joue donc un rôle primordial : il se fait alors garant de l’approche, tandis que l’UX Designer est le garant de la conception. En travaillant de concert dans une démarche de co-création d’un produit, service, projet, les deux experts co-construisent pour réaliser la meilleure expérience utilisateur.

La confusion entre les périmètres peut s’expliquer par le fait que l’UX designer est souvent aussi un “UI designer”, c’est-à-dire le concepteur des interfaces avec lesquelles va interagir l’utilisateur. Ces deux métiers peuvent s’exercer séparément, car l’UX designer va s’intéresser avant tout aux comportements et à l’expérience globale, là où l’UI designer va être chargé de traduire tout cela dans des interfaces innovantes, conviviales, répondant aux bonnes pratiques d’ergonomie et d’utilisabilité.

En définitive, l’expert Design Thinking et l’UX designer doivent toujours être intégrés dès la phase initiale d’un projet, et travailler l’un avec l’autre en toute complémentarité à tous les moments d’un projet.

À la question de l’article, la réponse est sans ambiguïté non. Le Design Thinking est une approche structurée pour approcher les problèmes rencontrés par les utilisateurs, et l’UX Design est la notion plus large de tout ce qui a trait à la conception de l’expérience utilisateur.

L’UX designer et l’expert Design Thinking sont deux ambassadeurs qui œuvrent pour mettre l’utilisateur au centre des démarches de conception et, à ce titre, loin de s’opposer, ils sont complémentaires. Ils doivent s’écouter et comprendre les spécificités de l’un comme de l’autre pour travailler au mieux ensemble. Loin de devoir choisir entre les deux métiers, les entreprises et organisations ont tout intérêt à les mettre en musique pour apporter de la valeur dans l’ensemble de leurs problématiques.

Rédigé par Sonia Keredine, Consultante Acceleration Tactics

Sources :
• Plonka, Laura; Sharp, Helen; Gregory, Peggy and Taylor, Katie (2014). UX design in agile: a DSDM case study. In: Agile Processes in Software Engineering and Extreme Programming: 15th International Conference, XP 2014, Lecture Notes in Business Information Processing, Springer.
• Design d’expérience utilisateur: Principes et méthodes UX, Sylvie Daumal, Editions Eyrolles, 18 janv. 2018
• Design Thinking: A Fruitful Concept for IT Development?, Tilmann Lindberg, Christoph Meinel, and Ralf Wagner, 2011
• Design Thinking et UX pour les Products Owners, Matthieu Gioani, Expert en Renouveau / Design, Innovation & Management, FENIKSO, 12 oct. 2017
• What Is Design Thinking? A Comprehensive Beginner’s Guide, Emily Stevens, CareerFoundry, September 5th, 2018
• Culture Crunch, 12 février 2019, Nouvelle économie
https://culture-crunch.com/2019/02/12/quest-ce-que-lux-experience-utilisateur-design
• Lean UX: Designing Great Products with Agile Teams (English Edition) Format Kindle de Jeff Gothelf , Josh Seiden

L’intelligence artificielle peut contribuer formidablement aux enjeux socio-économiques, environnementaux, politiques, culturels,… de notre ère. Cependant, il est indispensable d’accompagner ce changement de paradigme sans angélisme et avec lucidité, en soulevant la question de l’éthique concernant ces nouvelles technologies. Comme disait Rabelais :

“Science sans Conscience, n’est que ruine de l’âme.”

Les aspects éthiques du “Deep Learning” se situent à deux niveaux : une bonne compréhension des limites de cette technologie pour en rester maître, et une utilisation au service du bien commun – autrement dit ne pas en faire mauvais usage. Ces deux idées sont présentées et discutées ci-dessous.

#1 Les limites du Deep Learning

Les algorithmes de deep learning, bien que très performants dans l’ensemble, sont tout comme les humains sensibles à différents biais. Or ces biais non-intentionnels peuvent être perçus très négativement par les humains, surtout s’ils entretiennent des inégalités, des souffrances, et entraînent la machine à commettre des erreurs aux conséquences possiblement dramatiques.

Un exemple regrettable a beaucoup choqué lorsque l’algorithme de classification d’images de Google Photos a confondu des humains avec des animaux (voir photo ci-dessous, dont la nature outrageante interdit tout silence). De tels biais pourraient être d’autant plus dommageables s’ils s’insinuaient par exemple dans des décisions de justice, d’octroi de prêt, de santé ou de carrière. Identifier ces biais, et plus encore les corriger, n’est pas chose aisée, puisque cela impose de comprendre comment fonctionne l’algorithme. Cela introduit une deuxième limite du deep learning discutée par la suite : l’explicabilité.

Alors que certains algorithmes d’apprentissage machine (Machine Learning) sont facilement interprétables (régression linéaire, arbre de décision), les mécanismes d’encodage et de traitement de l’information employés par le deep learning sont très difficiles à comprendre. À cet égard, ces derniers sont d’ailleurs qualifiés de « boîte noire ».

L’enjeu est crucial car il n’est pas convenable de laisser les machines prendre des décisions importantes sans comprendre les raisons qui justifient le choix, telles que : faut-il débrancher un patient végétatif, faut-il geler tous les avoirs d’un citoyen identifié à tort ou à raison comme suspect, faut-il empêcher tel étudiant d’avoir accès à tel cursus, etc. ? Il est impérieux de mieux comprendre le fonctionnement des modèles du deep learning pour les intégrer aux processus de décisions humaines. Différentes méthodologies ont été développées afin d’expliquer l’algorithme dans son ensemble ainsi que sur chaque prise de décision, et ce même pour des modèles de deep learning.

Une autre limite du deep learning touche aux limites de l’éthique humaine, lorsqu’un choix se présente sans issues favorables. Comment prendre une décision lorsqu’aucune alternative ne paraît bonne ou lorsqu’elles ne sont pas comparables ?

Cette question a été illustrée par le dilemme du tramway, où schématiquement l’opérateur doit choisir à qui il doit accidentellement ôter la vie, aucune alternative d’itinéraire immédiat ne pouvant éviter une collision avec des passants (voir illustration ci-dessus).

Dans le cas du deep learning, et notamment de la conduite autonome de véhicule, l’opérateur est une machine. Cette machine suppose un algorithme de prise de décisions. Or, dans ce cas, il est très délicat d’expliciter une politique de choix, à la fois d’un point de vue technique – il faudrait couvrir exhaustivement toutes les situations et leurs choix associés –, et d’un point de vue éthique – par exemple aussi horrible qu’est cette question sans bonne réponse : « comment choisir entre l’alternative d’écraser une femme enceinte ou un groupe de 5 retraités ? ». Cette double difficulté n’a pas encore été solutionnée.

#2 Du mauvais usage de l’Intelligence Artificielle

Les nouveaux outils de l’IA permettent de grands progrès dans de nombreux secteurs mais apportent également leurs lots de questionnements concernant leur bon usage. Certains penseurs renommés comme Stephen Hawking, voient en l’intelligence artificielle une invention à la fois brillante et menaçante. Selon eux, l’intelligence artificielle pourrait remplacer à terme l’homme du fait de sa puissance en constante amélioration, surpassant déjà l’homme sur de nombreuses tâches (des jeux de stratégie à la conduite automobile en passant par le diagnostic médical).

Sans en venir à d’apocalyptiques scénarios, des utilisations de l’IA peuvent se révéler dégradantes, malveillantes et nocives pour les individus. Par exemple, les GANs ont été utilisés pour substituer aux visages et aux voix d’actrices de films pour adultes des visages et des voix de célébrités. Selon l’une d’entre elle, la bataille contre ces détournements est déjà perdue. Au-delà de l’intégrité des personnes, c’est l’intégrité des faits qui est mise à mal par ces possibles usages. En effet, pouvoir faire dire faussement via cette technologie (DeepFake) n’importe quoi à n’importe qui avec un très grand réalisme pourrait se révéler très dangereux, a fortiori dans une actualité où les relations géopolitiques sont particulièrement tendues. C’est d’autant plus vrai que ces technologies sont accessibles à tous, par exemple via l’application FakeApp.

Pour prévenir ces mauvais usages et combattre les « fake news », il est prioritaire de développer un cadre garantissant la véracité des contenus. La blockchain aurait-elle un rôle à jouer ?

Au niveau étatique, il est observé une multiplication des tentatives d’employer ces nouvelles technologies à des fins militaires (dont l’encapsulation d’IA dans des robots soldats, voir photo ci-dessus) ou à des fins de contrôle des populations (par exemple reconnaissance et suivi des piétons grâce au deep learning appliqué aux caméras de vidéo-surveillance en Chine, voir photo ci-dessous).

Ces démarches soulèvent des inquiétudes voire des levées de boucliers. Les employés de Google ont par deux fois manifesté leur désaccord concernant l’engagement de leur firme dans ce type de projet : en premier lieu le projet Maven entre le Pentagone et Google impliquant du deep learning pour améliorer l’identification des cibles de drones ; en second lieu, le projet DragonFly pour le compte de la Chine afin de développer un moteur de recherche conforme aux positionnements des censeurs. Dans ces deux cas, les protestations internes ont mené à l’annulation de la participation de Google.

Ces mobilisations internes contre des engagements militaro-industriels s’observent identiquement chez les autres géants du numérique, comme Amazon et Microsoft. Le monde académique réagit également avec plus de 3000 chercheurs en IA et en robotique ayant signé une lettre ouverte demandant l’interdiction des armes offensives autonomes.

Cependant, certains pays s’y sont opposés, et le débat reste entier. Concernant la surveillance des individus et ses possibles dérives, des initiatives sont prises par certains états pour garantir la protection des données des citoyens, comme en Europe avec la RGPD.

Ainsi, même si ces réactions de la part des employés ou au niveau de la gouvernance sont des signaux de confiance quant à la conscience collective nécessaire, la vigilance demeure indispensable. La communauté de la data a de grandes responsabilités et chacun de ses membres devrait faire preuve d’une grande prudence sur les limites de leurs outils et l’usage de leurs réalisations. À cet égard, les intéressés ont la possibilité de signer l’équivalent du serment d’Hippocrate pour la Data. De mon côté, c’est chose faite. Et vous ?

Rédigé par Clément Moutard, Consultant Data Driven Business.

Thanks to Eliot Moll.

Notes
[1] Source
[2] Source
[3] Source